
Léopold Sédar Senghor, né le 9 octobre 1906 à Joal (Sénégal) et mort le 20 décembre 2001 à Verson (France), est un homme d’État français puis sénégalais, poète, écrivain, premier président de la République du Sénégal (1960–1980). Il a été ministre en France avant l’indépendance du Sénégal et fut le premier Africain à siéger à l’Académie française.
Il est le symbole de la coopération entre la France et ses anciennes colonies pour ses partisans ou du néocolonialisme français en Afrique pour ses détracteurs.
Sa poésie, fondée sur le chant de la parole incantatoire, est construite sur l’espoir de créer une Civilisation de l’Universel, fédérant les traditions par-delà leurs différences. Par ailleurs, il approfondit le concept de négritude, notion introduite par Aimé Césaire qui la définit ainsi :
« La négritude est la simple reconnaissance du fait d’être noir, et l’acceptation de ce fait, de notre destin de Noir, de notre histoire et de notre culture. »
Léopold Sédar Senghor naît le 9 octobre 1906 à Joal, petite ville côtière située au sud de Dakar, Sénégal. Son père, Basile Diogoye Senghor, est un commerçant catholique. Originaire de Djilor, sa mère, Gnilane Ndiémé Bakhoum, morte en 1948, que Senghor appelle dans Élégies « Nyilane la douce », appartient à l’ethnie sérère et à la lignée Tabor mais a des origines peules. C’est la troisième épouse de Basile Diogoye Senghor, dont elle aura quatre filles et deux garçons. Le prénom sérère Sédar signifie « qu’on ne peut humilier ». Son prénom catholique « Léopold » lui fut donné par son père en souvenir de Léopold Angrand, riche commerçant métis ami et employeur ponctuel de son père. Avant son baptême, Sédar Gnilane (il était alors d’usage que le prénom du fils fût accompagné de celui de sa mère), futur Léopold, passe les premières années de sa vie chez sa famille maternelle, les Bakhoum. Puis de retour chez son père, le jeune Léopold fréquente plus tard la maison catholique de Joal (auprès du père Dubois) où il apprend le catéchisme et les premiers rudiments de la langue française. Senghor commence ses études au Sénégal, d’abord chez les Pères Spiritains à Ngazobil pendant six ans, puis à Dakar au collège-séminaire François Libermann et au cours secondaire de la rue Vincens, qui s’appellera plus tard le lycée Van-Vollenhoven et aujourd’hui lycée Lamine-Guèye. Il est déjà passionné de littérature française. Bon élève, il réussit le baccalauréat, notamment grâce au français et au latin. Le directeur du lycée et ses professeurs recommandent d’envoyer Senghor poursuivre ses études en France. Il obtient une demi-bourse de l’administration coloniale et quitte pour la première fois le Sénégal à l’âge de 22 ans. Il appartient à la petite minorité d’élèves destinée à constituer l’élite noire de la colonie.
Senghor arrive à Paris en 1928. Cela marque le début de « seize années d’errance », selon ses dires. Il étudie en classes préparatoires littéraires au lycée Louis-le-Grand (grâce à l’aide du député du Sénégal Blaise Diagne) et également à la faculté des lettres de l’université de Paris. À Louis-le-Grand, il côtoie Paul Guth, Henri Queffélec, Robert Verdier et Georges Pompidou, avec qui il se lie d’amitié. Il y rencontre également Aimé Césaire pour la toute première fois. Il obtient en 1931 une licence de lettres.
En 1935, il réussit au concours d’agrégation de grammaire après une première tentative sans succès. Il est le premier Africain lauréat de ce concours. Pour s’y présenter il a dû faire une demande de citoyenneté, qu’il obtient grâce à l’appui de Blaise Diagne. Il possédait auparavant le statut de sujet français.
Il commence sa carrière de professeur de lettres classiques au lycée Descartes à Tours, puis est muté, en octobre 1938, au lycée Marcelin-Berthelot de Saint-Maur-des-Fossés, dans la région parisienne (une stèle y commémore son passage). Outre ses activités d’enseignant, il suit des cours de linguistique négro-africaine dispensés par Lilias Homburger à l’École pratique des hautes études et ceux de Marcel Cohen, Marcel Mauss et de Paul Rivet à l’Institut d’ethnologie de l’université de Paris. En 1939, Senghor est enrôlé comme fantassin de 2e classe dans un régiment d’infanterie coloniale. Il est affecté au 31e régiment d’infanterie coloniale, régiment composé d’Africains, malgré l’acquisition de la citoyenneté par Senghor en 1932. Le 20 juin 1940, il est arrêté et fait prisonnier par les Allemands à La Charité-sur-Loire. Il est interné dans divers camps de prisonniers (Romilly, Troyes, Amiens). Il est ensuite transféré au Frontstalag 230 de Poitiers, un camp de prisonniers réservé aux troupes coloniales. Les Allemands voulaient le fusiller le jour même de son incarcération ainsi que les autres soldats noirs présents. Ils échapperont à ce massacre en s’écriant « Vive la France, vive l’Afrique noire ». Les Allemands baissent leurs armes car un officier français leur fait comprendre qu’un massacre purement raciste nuirait à l’honneur de la race aryenne et de l’armée allemande. Senghor facilite l’évasion de deux soldats français. Il est transféré au camp des As à Saint-Médard-en-Jalles, près de Bordeaux où il est emprisonné du 5 novembre 1941 jusqu’en début d’année 1942, il est libéré, pour cause de maladie. Au total, Senghor passera deux ans dans les camps de prisonniers, temps qu’il consacrera à la rédaction de poèmes11. Il reprend ses activités d’enseignant et participe à la résistance dans le cadre du Front national universitaire.
En 1993, paraît le dernier volume des Liberté : « Liberté 5 : le dialogue des cultures ».
Malade, Senghor passe les dernières années de son existence auprès de son épouse, à Verson, en Normandie, où il décède le 20 décembre 2001. Ses obsèques ont lieu le 29 décembre 2001 à Dakar, organisées par le président Abdoulaye Wade et en présence d’Abdou Diouf, ancien président, de Raymond Forni, président de l’Assemblée nationale française, et de Charles Josselin, secrétaire d’État français auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé de la Francophonie.
Jacques Chirac (« La poésie a perdu un maître, le Sénégal un homme d’État, l’Afrique un visionnaire et la France un ami ») et Lionel Jospin, respectivement président de la République française et Premier ministre de l’époque, ne s’y rendent pas. Ce manque de reconnaissance suscite une vive polémique, et le parallèle est fait[Par qui ?] avec les tirailleurs sénégalais qui, après avoir contribué à la libération de la France, ont dû attendre plus de 40 ans pour avoir le droit de percevoir une pension équivalente à celle de leurs homologues français. L’académicien Erik Orsenna, lui-même très attaché au Sénégal et à l’Afrique, écrit dans Le Monde un point de vue intitulé : « J’ai honte ». Dans les milieux littéraires et poétiques, l’absence des deux premiers responsables politiques français à ces obsèques est encore plus sévèrement jugée. On a pu lire : « S’évitant de voir leur vision étriquée du monde confrontée à l’ampleur de la puissance intellectuelle du poète africain, d’un point de vue purement ontologique, leur absence même est un hommage suprême rendu au chantre de la francophonie. »
Son corps repose au cimetière catholique Bel-Air à Dakar, où l’y rejoint sa veuve Colette Senghor en 2019.